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Plongée de nuit à 30m, 420 minutes... par Jean-Paul Arnoul, MF1 N° 3553
dimanche 2 octobre 2005, par Chris

Les mérous du chat

Ce Samedi à Cala Montjoy, où nous sommes rassemblés pour la 27ième Coupe Neptune, départ de la seconde rotation de l’après-midi à 17 heures. Après quelques brumes matinales, le temps est à nouveau beau et chaud, la mer calme et à 21° en surface. Bref, des conditions idéales pour rendre visite aux mérous (déjà vus hier avec Jules) sur le site du chat. J’accompagne ma palanquée de la journée, composée de 4 plongeurs niveaux 2 (Katie et Pierre de BIII, Michel du Cesta et Serge de Pierrelatte). (JPG)

Mise à l’eau, descente à -17 m le long du mouillage, et cap vers le Pain de Sucre dans l’axe du bateau. Les mérous sont tout de suite au rendez vous. Un peu plus loin, j’aperçois le Pain de Sucre qui se détache en contre jour devant nous, on ne peut pas le rater. Arrivés au pied de ce massif impressionnant, nous descendons sur la droite vers le tombant couvert de gorgones mauves. Une belle murène se cache dans son trou, dérangée par le faisceau des phares. Nous nous stabilisons à -30 mètres. Inutile d’aller plus bas, et de réduire notre temps de plongée pour voir finalement la même chose 8 mètres plus bas, où évolue déjà une autre palanquée.

(JPG)

Retour sur la vallée des mérous au pied du pain de sucre, une belle bête va se cacher au fond d’une grotte sous une sorte de dolmen. Le faisceau des phares permet d’en voir un second plus petit plus au fond, et une jolie mostelle un peu plus loin. Nous nous dirigeons vers le fond de la baie tout en remontant progressivement vers -20 m puis -15 mètres. Il y a moins de grosse bêtes, mais les éboulis de roche couverts d’une couche blanchâtre, présentent également toute une variété de faune fixée, qui accueille des flavelines et autres peltodoris .

(JPG) (JPG)

Au dessus nagent quelques sars et bancs de mendoles. A un moment donné alors que nous sommes remontés à 10m, j’aperçois au dessus de nous le Zodiac du club qui avait mouillé à proximité de notre bateau. Je prends alors le cap retour, et après quelques minutes de palmage en redescendant vers 17m, nous apercevons à nouveau le pain de sucre. La boucle est bouclée, et je sais maintenant m’orienter et retrouver le mouillage qui va nous permettre de faire une remontée en surface en toute sécurité sous le bateau. Nous arrivons à 40 minutes de plongée, et j’aperçois quelques aiguilles de manomètres qui approchent de la zone rouge de la réserve. Il est temps de remonter. Je dois rappeler à l’ordre Serge et Michel qui viennent d’apercevoir 4 gros mérous juste en dessous d’eux. C’est très tentant de redescendre les voir de plus près, mais les meilleures choses ont une fin. Toute la palanquée remonte finalement au mouillage, ce qui permet de mieux contrôler la vitesse de remontée, et je décide un palier de sécurité de 3 minutes à 3 mètres, sachant qu’à aucun moment l’ordinateur Aladin à mon poignet n’a affiché de palier à effectuer. En surface, il y a un peu la queue à l’échelle, et nous attendons notre tour.

(JPG) Paramètres de la plongée annoncés à Momo le responsable du bateau : 30 mètres, 45 minutes dont 3 minutes de palier à 3 mètres.

Les Symptômes

Une demi-heure après, alors que nous sommes sur le chemin du retour, et que je discute lestage avec Katie, qui me semble avoir un peu trop de plomb à la ceinture, je ressens des fourmillements dans le mollet gauche. Je pense alors que j’ai mal positionné l’élastique de la chaussette nylon qui m’aide à enfiler ma combinaison comme cela m’est déjà arrivé une fois, et que la circulation du sang est bloquée. Peu après, le bateau beache sur la plage, et tous les plongeurs débarquent par la passerelle disposée à l’avant. Je récupère mon bi-bouteille 2x9 litres, un peu lourd, mais qui bien posé sur le dos est tout à fait transportable. A terre, je me déséquipe, met mon bloc au gonflage pour demain, et me dirige vers le bungalow pour prendre une bonne douche. J’ai du mal à marcher, et je boite un peu. La combinaison me serre le mollet, et j’ai hâte d’en sortir. Dominique et les enfants sont dans la chambre à regarder les photos sous-marines prises par Christophe. La combinaison est vite ôtée, et après m’être massé le mollet, je passe sous la douche chaude. Là, au lieu de disparaître, j’observe que les symptômes s’aggravent, car la sensation gagne la cuisse, en particulier le long du nerf sciatique. Pas bon ça !

Voilà le dilemme : je sors de 2 plongées à -30 mètres dans la journée, il y a donc présomption d’accident de décompression, mais en étant resté sinon dans la courbe de sécurité des tables, tout au moins dans celle de l’Aladin, et en ayant fait un palier de sécurité à 3 mètres, c’est tout de même peu probable, d’autant que l’eau n’était pas froide et que nous n’avons pas fait d’effort dans le courant, car il n’y en avait pas. Autre hypothèse : les 25 kg du bloc bi-bouteille équipé sur le dos m’auraient provoqué une sciatique : j’ai déjà donné dans le passé, et j’en connais bien les symptômes. Or, je n’ai pas de douleur lombaire, qui serait significative d’un nerf sciatique coincé entre les 2 vertèbres suite à un tassement du disque. Donc retour à l’hypothèse accident de plongée ????

L’an dernier à la coupe Neptune en Corse, organisée par BIII, nous n’avions été informés d’un accident de plongée par sa victime que plusieurs semaines après. Cet incident avait été discuté au niveau des encadrants du club, et la conclusion que j’en ai retenue était que nous devions mieux communiquer auprès de nos plongeurs sur le fait qu’ils ne devaient jamais garder pour eux tout incident, doute ou autre interrogation de peur de paraître ridicule, ou de déclencher les secours pour un simple bobo. Quoiqu’il arrive, il faut en parler !

Je décide donc de montrer l’exemple et demande aux enfants d’aller chercher Christian, organisateur de la coupe cette année avec Pierrelatte et responsable technique de la sortie. Pendant ce temps, je prends 500 mg d’Aspégic, et m’allonge sur le lit. Je demande à Dominique de confirmer le diagnostic de la sciatique en procédant à la manœuvre dite « de Lasègue ». Je me souviens en effet que mon médecin avait diagnostiqué de cette façon mes précédents épisodes lombaires : le médecin lève la jambe du patient en position allongée sur le dos et note l’angle à partir duquel la douleur lombaire apparaît. Jambe droite, pas de douleur, jambe gauche, pas de douleur non plus, ce qui tend à éliminer l’hypothèse sciatique.

J’explique tout ça à Christian et Rémi qui viennent d’arriver, et me conduisent à l’infirmerie de Cala Montjoy. J’ai beaucoup de mal à marcher, mais soutenu de chaque coté, je parviens à m’allonger sur la table d’examen de l’infirmerie.

L’évacuation

L’infirmière espagnole me demande mon nom, si je parle espagnol, etc. Je suis un peu limité en vocabulaire médical, mais je comprends assez bien ce qu’elle me dit. Mon fils Christophe qui habite Barcelone fait l’interprète quand je suis perdu, tandis que mon autre fils Sylvain réconforte sa mère. L’infirmière me fait avaler deux petites pilules oranges dont je n’ai pas compris de quoi il s’agissait et m’allonge sur le dos, la tête en arrière dans une position très inconfortable. Elle me passe le masque à oxygène sur le visage, règle le débit et commence à vouloir me perfuser. Rémi Renaud pendant ce temps appelle le SAMU en France, comme il a l’habitude de le faire en de telles circonstances, pas si exceptionnelles pour un centre de plongée. Il remplit également un tas de papiers, et rédige un rapport sur les circonstances à l’attention du médecin à venir. La pose de la perfusion se passe mal, j’aurais les veines trop fines.. et l’infirmière essaie de me piquer à l’autre bras. Je commence soudain à sentir une nausée qui monte, puis une violente envie de vomir. Je me tourne sur le coté, et demande de l’aide. J’ai alors deux spasmes consécutifs très violents, mais l’estomac étant vide c’est sans effet, sinon de me provoquer un malaise vagal. Je me sens tomber dans les pommes, tout en tenant des propos incohérents (m’a-t-on dit après). La position latérale de sécurité étant bien plus confortable, je reprends mes esprits progressivement. L’hélico de la protection civile est annoncé dans 20 minutes, et va atterrir sur la plage.

Un docteur et une infirmière très efficace arrivent en effet rapidement. Pendant que le médecin m’interroge, l’infirmière me pose un scope (comme ils disent), appareil centralisant tous les paramètres : électrocardiogramme, pouls, respiration etc. La perfusion espagnole ne fonctionnant pas, une nouvelle « voie » est posée rapidement et douloureusement sur une veine de la main gauche, les 2 bras ayant déjà été piqués. Prélèvements sanguins en vue d’analyses et transfert dans un matelas coquille avec l’aide de l’équipage de l’hélico, transport jusqu’à la plage dans un utilitaire du village de Cala Montjoy. J’ai bien repris mes esprits, et je fais remarquer que l’oxygène sent le gasoil : « mais non, c’est le camion » me dit on ! Le moral est bon et j’essaie de plaisanter. Chargement dans l’hélico par le hayon arrière, devant ma famille et quelques plongeurs venus au spectacle. La soirée de remise de la coupe et autres cadeaux en est un peu perturbée. Re-branchement du scope sur le bonhomme et quelques dernières consignes avant le décollage, car avec le bruit de l’hélicoptère et le casque antibruit, il faudra utiliser la langue des signes habituelle aux plongeurs. On me dit que l’on va « à St Pierre » la clinique, pas au paradis des plongeurs, ça rassure.

Le traitement

Après 25 minutes de vol le long de la côte, j’aperçois les lumières le long de la baie de Perpignan, puis des voitures sur l’autoroute A9 qui passe près de la clinique. Atterrissage sur le parking attenant où une zone repérée H est prévue à cet effet, et accueil par l’équipe des urgences de la clinique. Là un médecin me fais un check-up complet, tests de sensibilité (jeu du touché, piqué), d’équilibre sur un pied, etc. Sur la jambe droite, je tiens l’équilibre, mais pas sur la jambe gauche. Nouveau test de sciatique (manœuvre de Lasègue ) et même diagnostic. Explications du médecin : « Nous sommes dans un centre hyperbare, et même s’il n’y a pas de certitude absolue d’un accident de décompression vu les profils de plongée, il n’y a pas de contre-indication à une recompression thérapeutique ». Je passe tout de même préalablement une radio des poumons qui s’avère satisfaisante, et direction le caisson au rez-de-chaussée.

(JPG) Il s’agit d’un caisson 8 places disposant d’un sas pour que le médecin puisse entrer et sortir pendant le traitement. Je laisse dehors tous les accessoires que je pourrais avoir sur moi (montre, téléphone, etc) et qui pourraient souffrir du traitement hyperbare. Le médecin m’installe sur la banquette au niveau d’un inhalateur d’héliox, ce qui me permet d’expérimenter l’effet Donald Duck en lui parlant : c’est très drôle, mais je n’ai pas trop envie de rire. Le protocole de recompression qui m’est expliqué par l’opérateur est le suivant : descente à 30 mètre (profondeur de la dernière plongée) et respiration d’héliox pendant 2 heures, l’objectif étant de me rincer le corps de l’azote résiduel en plus de l’action mécanique de la pression sur les (micro)bulles éventuelles. (Une inhalation d’oxygène-azote à cette profondeur aurait d’une part l’inconvénient de me re-saturer en azote, et d’autre part de dépasser le seuil de ppO2 toxique, d’où l’utilisation d’héliox). Au bout de 2 heures, remontée à 18 mètres, et passage à l’air enrichi en oxygène (nitrox) pendant 4 heures, sans toutefois dépasser la ppO2 dangereuse, pour continuer le rinçage. (Je vous rassure, il n’est pas prévu de lavage ou prélavage, car par ailleurs le caisson n’a rien d’une machine à laver, quoique, avec les hublots...). La dernière heure est consacrée à un palier à -12 m toujours au nitrox, suivi d’une remontée lente sur la dernière demi-heure. Soit au total 420 minutes de plongée : moi qui avait dit à Christian pour plaisanter que j’allais rater la plongée de nuit, en fait je suis servi. Pendant que l’opérateur procède aux dernières vérifications, le médecin ferme les portes et s’installe à coté de moi pour la descente. Les perfusions (française et espagnoles) sont accrochées au plafond, fermées, et je garde un tuyau à chaque bras ce qui va rendre difficile le passage du pull-over que le médecin m’a conseillé de prendre si j’ai froid dans la nuit. Je n’ai pas dîné, et la nausée étant oubliée, je commence à avoir faim. Il me propose quelques pâtes de fruits contre l’hypoglycémie, et une bouteille d’eau de source Cristalline dont le bouchon a été confisqué, je vous laisse deviner pourquoi. Annonce de l’opérateur : « On descend à -30 mètres », suivi du bruit infernal de l’air comprimé qui fuse par 2 gros tuyaux munis de crépines et de filtres. On ne peut plus se parler, et j’ai alors la sensation bizarre de me trouver à l’intérieur d’une bouteille de plongée que l’on gonfle sur une bouteille tampon. La température s’élève rapidement jusqu’à devenir étouffante, et l’atmosphère humide, si l’on en juge aux filets d’eau rouillée qui s’écoulent des crépines vers le caillebotis en aluminium. Le médecin et moi passons en Valsalva quasi continu pour l’équilibrage des tympans. Il faut absolument garder les trompes d’Eustache ouvertes, car ça descend très vite, et pas question d’arrêter la descente en cas de problème, comme on peut le faire en plongée. J’ai lu par la suite dans la doc du caisson que l’on posait parfois des drains trans-tympaniques pour les trompes rebelles de certains patients. Pour un plongeur entraîné ce n’est pas un problème, mais tout de même, il ne faut pas se laisser surprendre. Au bout de 5 minutes le boucan se calme soudain, nous somme arrivés à -30 m, soit 3 bars en relatif affichés sur le mano intérieur. Le médecin m’ajuste alors le masque à héliox et règle le débit. Il faut que le ballon de l’inspirateur (un gros ballon de 5 litres) soit ni trop gonflé, ni trop peu. Le réglage est manuel et se fait de l’intérieur du caisson par un débit-litre identique à ceux des blocs d’oxygène thérapeutique. Je dois intervenir moi même en cas de besoin, ce qui arriva plusieurs fois au cours des 2 heures à l’héliox. Les dernières consignes étant données, le médecin me dit au revoir, et sort du coté du sas. L’opérateur lui annonce la remontée, et lui prescrit un palier de sécurité de 3 minutes à 3 mètres. La routine quoi.

(JPG) Me voilà donc seul dans le caisson, avec mes 2 tuyaux dans les bras et un masque encombrant sur le nez. Ca ne va pas être facile de dormir avec tout ça. J’essaie de m’allonger après avoir mangé les 2 pâtes de fruits, et bu un verre d’eau. J’ai bien un peu de lecture (Apnéa, Urgences magazine, Match...), mais il n’y a pas beaucoup de lumière, et dans l’afollo de l’évacuation, je n’ai pas pris mes lunettes. Le mieux à faire c’est encore d’essayer de dormir. La chaleur des premières minutes s’est vite dissipée, et maintenant j’ai froid, d’autant que je ne suis habillé que d’une chemise d’hôpital jetable. Je tire le drap et la couverture, difficilement à cause des tuyaux. Dans un premier temps, le ballon se retrouve sous la couvrante, ce qui me vaut une remarque à l’interphone de l’opérateur qui ne peut plus le contrôler par le hublot, et j’arrive finalement à trouver une position pas trop inconfortable. Le ballon, telle la barbe du capitaine Haddock va me gêner toute la nuit.

Le bruit s’est maintenant un peu calmé, mais chaque minute, des vannes s’ouvrent pour stabiliser la pression, renouveler l’air du caisson, que sais-je.... Au bout de quelques temps, je réussis à m’habituer à cet environnement inhabituel, et me raccrochant à l’idée familière que je suis en en avion (ça fait un peu le même bruit) pour un vol de 7 heures vers les îles . Evidemment, dans le caisson, pas d’hôtesse, ni de plateau repas, ni de cinéma, et le confort est un peu fruste, en fait à peu près au niveau de celui d’un Transal, appareil que j’ai pratiqué dans le passé. Au bout de 2 heures, annonce par l’opérateur de la remontée à -18 mètres. Pas de problèmes d’oreilles à la remontée, mais arrivé à -18 mètres, un bruit violent de brassage d’air dans le but de rincer l’atmosphère du caisson de l’hélium. Cela fait des courants d’air, et j’ai froid. Je bois un peu d’eau, rajuste la couverture, et m’assoupis un peu. Quatre heures plus tard, après quelques épisodes de sommeil agité, l’opérateur annonce la remontée à 12 mètres pour un palier de 30 minutes, puis la remontée en surface signalée par un soudain retour du silence. Il est 5 heures 30 du matin lorsque la porte s’ouvre, et que l’opérateur caisson me conduit à une chambre et me confie à une infirmière. Je suis complètement groggy et je m’allonge. Mais il me faut encore remplir des papiers avant de dormir....

A 6 heures 30, réveil pour le petit déjeuner : un croissant, car c’est Dimanche. Je téléphone à Dominique et aux enfants pour les rassurer et leur donner des nouvelles. Dominique n’a pas dormi beaucoup, et le téléphone ne la réveille pas. Le médecin est annoncé pour 11 heures, et en attendant, je dors un peu, mais étant dérangé souvent, je finis par regarder un documentaire animalier à la télé. Très efficace comme somnifère. Le médecin est à l’heure et procède de nouveau aux différents tests d’hier soir. Je tiens maintenant l’équilibre sur la jambe gauche, il y a donc une nette amélioration, même s’il me reste une douleur importante dans le mollet, comme une courbature qui serait survenue après une méchante crampe. La douleur sur le trajet du nerf sciatique a pratiquement disparu. La maladie de la décompression est donc finalement avérée. Le médecin me prescrit donc une nouvelle séance de caisson de 2 heures sous oxygénothérapie hyperbare, à 15 mètres cette fois. Il y a un créneau à midi, et je serai libre à 14 heures. Il enverra un rapport à mon médecin traitant, et m’en enverra une copie. J’en serai quitte pour 5 jours d’arrêt de travail et quelques mois d’interdiction de plongée. Je termine donc mon traitement par une dernière séance d’oxygénothérapie hyperbare de 2 heures, c’est à dire dans notre langage une plongée au nitrox de 120 minutes à 15 mètres dans le caisson. Cette fois je suis habillé et souffre moins du froid, d’autant que les perfusions ayant été ôtées, j’ai pu mettre mon pull.

Mon analyse

La question est de savoir ce qui s’est passé ce samedi, et pourquoi un moniteur « expérimenté et prudent » comme moi, après plus de 25 ans de plongée et près de 1800 immersions dans les palmes a pu avoir un problème de décompression. En effet, cet accident semble a priori immérité si l’on considère les paramètres et le déroulement parfaitement normal de la dernière plongée. Si l’on regarde de plus près la courbe extraite de l’ordinateur Aladin, on voit en rouge une petite remontée rapide juste avant le palier, non enregistrée dans le carnet de plongée de l’Aladin donc très courte . Effectivement, je me souviens qu’à ce moment, une autre palanquée est arrivée en dessous de nous au niveau du mouillage, et nous avons été pris dans l’ascenseur de leurs bulles. Bon, rien de bien grave tout de même car ça ne dure pas très longtemps, la durée totale de la remontée entre 15 et 5 mètres est de 2 minutes soit une vitesse moyenne de 5 m/minutes et le palier de sécurité (donc facultatif) de 3 minutes a bien été respecté par toute la palanquée. Par ailleurs, comme ce n’est pas facile de rester l’œil rivé sur l’écran de l’Aladin pendant toute la remontée, il est prévu une alarme sonore (bip bip) qui se trouve malheureusement pour moi dans un trou de mon audition. C’est comme lorsque ma montre de plongée se met à sonner malencontreusement pendant une réunion suite à une fausse manipe. Tout le monde me regarde, mais je n’entends absolument rien. Je vous rassure, la plongée n’y est pour rien, mais seulement des paracentèses que j’ai subies vers l’age de 5 ans.

(JPG)

Il faut peut être chercher ailleurs la cause de cet accident. En effet, lors de la plongée du matin sur la Faille, Pierre ayant perdu sa ceinture de plombs pendant la plongée, a fait une remontée en surface non contrôlée après 42 minutes de plongée. Alerté par Katie, je suis allé le rechercher en surface, et avec l’aide de Serge, nous l’avons aidé à redescendre à -10 mètres, profondeur où il arrivait encore à se stabiliser. Nous étions encore loin du bateau, il restait de l’air dans les blocs et nous recherchions la grotte au droit du mouillage en longeant la côte selon le briefing. Après 6 minutes de palmage tranquille nous arrivons au niveau de cette grotte. Une palanquée est déjà à l’intérieur. Je vais jeter un coup d’œil rapide, et juge que la visite à peu d’intérêt, l’eau ayant été remuée par les palmes des prédécesseurs. Le mano de Pierre, qui avait dû consommer pendant l’incident, indiquant maintenant qu’il est sur réserve et mon ordinateur n’exigeant pas de paliers, je décide de remonter la palanquée. J’ai beau me faire lourd en retenant Pierre, la vitesse n’est pas vraiment contrôlable et nous arrivons en surface juste en face du bateau. Sur le pont, nous retrouvons la ceinture de Pierre qui en fait l’avait tout simplement oubliée : à la descente il s’était hâlé au mouillage croyant n’avoir pas suffisamment purgé son gilet, et ensuite avait oublié l’incident, jusqu’à ce que la faible profondeur et la perte de la masse d’air consommé ne lui permette plus de se stabiliser au fond. Ok, ce n’est finalement pas si grave, l’Aladin tiens compte normalement de ce type d’incident et allonge un peu la décompression de la plongée suivante. Par ailleurs, la recompression 4 heures 40 plus tard de la seconde plongée a permis à toute la palanquée de faire une nouvelle décompression dans de bonnes conditions. Finalement rien de bien grave, mais on est il est vrai sorti légèrement du cadre standard.

Dernier élément à considérer, ma condition physique : j’ai bientôt 52 ans, et même si je les porte bien, je les accuse tout de même. Je me sentais cependant particulièrement en forme cette journée de Samedi après les 4 plongées précédentes, et en particulier suite à la plongée d’hier soir avec Jules où j’ai eu mal au crâne en arrivant à -35 mètres. Ce Samedi, par contre, probablement grâce au snif de Derinox prescrit par Jules, je n’ai eu aucun problème au cours des 2 plongées. Par ailleurs, Pierre, qui ceci dit sans vouloir être désobligeant, accuse quelques années de plus que moi, a fait les même profils de plongée que moi ce Samedi, avec en plus un effort de palmage pour rester à -10 mètres en fin de plongée du matin, sans ressentir à ma connaissance aucun symptôme. Toutefois, les mêmes causes ne produisent pas forcément les mêmes effets sur des personnes différentes.

Conclusions

A la date où j’écris ces lignes, je n’ai pas encore reçu le rapport promis par le médecin hyperbare, mais je vais tout de même essayer de faire un diagnostic.

En fait, l’expérience prouve qu’un accident n’a jamais qu’une seule cause, et qu’il est généralement provoqué par un ensemble de facteurs qui pris isolément n’auraient pas porté à conséquences. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu des symptômes de maladie de décompression, qui pouvaient être pris pour une sciatique. (JPG) Mais voilà : il faut probablement considérer les effets combinés de la fatigue du boulot d’abord , puis des 6 plongées effectuées, de la remontée tout de même anormale du matin, mais aussi des efforts, non pas dans l’eau, mais en surface à me mettre sur le dos puis à coltiner les 25 kg de mon bi-bouteille équipé. Ce point en particulier est à rapprocher des symptômes de sciatique : je pense que l’effet mécanique sur le bas du dos au niveau des disques vertébraux a pu provoquer localement une petite décompression pathologique sur des tissus déjà un peu limites en coefficient de sursaturation (voir l’états de mes tissus simulés par l’Aladin en fin de la dernière plongée sur la figure ci-contre).

Que faire par la suite pour éviter ça ? Je vous propose ici quelques réflexions que j’espère utiles à tous pour améliorer la sécurité en plongée :

-  Tout d’abord, respecter scrupuleusement les consignes de sécurité données dans la notice de votre ordinateur. Pour cela, il faut la relire régulièrement. En effet, dans la rubrique « Plongée à risque minimal avec l’Aladin Pro », je relève les points suivants qui me donnent à réfléchir, si l’on considère mes 2 plongées de la journée :
— Respecter absolument la vitesse de remontée et les paliers de décompression (y compris le palier de sécurité)
— Eviter les remontées répétées à petite profondeur
— Prévoir une profondeur moindre pour les plongées successives que pour les premières plongées (là également, j’ai fais une erreur)
— Prévoir éventuellement un jour sans plongée dans la semaine
-  Concernant ce dernier point, j’ai toujours pensé que 2 plongées par jour, surtout plusieurs jours de suite, c’était trop pour des personnes moyennement sportives, et surtout de plus de 50 ans, il faut donc réduire le nombre de plongées.
-  Ensuite si l’on veut tout de même plonger 2 fois par jour, plonger au nitrox autour de -25 à -30 mètres est probablement une bonne solution, donc faire une formation nitrox à la saison prochaine.
-  Une réflexion également à propos des paliers effectués à l’ordinateur : la durée du palier de sécurité de 3 minutes à -3 mètres n’est pas facile à mesurer quand le chrono n’affiche que des minutes entières. On peut facilement se tromper d’une minute. Je propose de faire plutôt 5 minutes de palier de sécurité, sachant que la dernière minute doit être consacrée à une remontée très lente jusqu’à la surface. Pour cela éviter les bulles des plongeurs de l’étage en dessous.... La précision sur la profondeur du palier est moins importante que sur la durée, du moment que l’on reste bien en dessous de -3 mètres.
-  Concernant le poids du bi, j’ai bien pensé à prendre un bloc 15 litres moins lourd, quoique le 15 litres à 230 bar est donné nu pour environ 20 kg, et là je ne vois pas beaucoup de solution, à part les blocs en aluminium que l’on est obligé de toutes façons de lester comme en Egypte.

Voilà, j’espère ne pas avoir abusé de votre patience avec ce long article, mais chaque détail à son importance. J’espère également avoir un peu démystifié ce qui se passe de « l’autre coté du caisson » et que, en présence de symptômes même légers, mais douteux, ce que je ne vous souhaite surtout pas, vous n’hésiterez pas le cas échéant à prévenir sans attendre l’encadrement du club. Concernant les aspects financiers de l’affaire, il est encore trop tôt pour faire le bilan, mais je sais déjà qu’aucun frais ne devrait rester à ma charge, sachant que nous avons fait intervenir l’assurance du Club (MAIF) et mon assurance personnelle Loisir 2 (AXA, Cabinet Lafont) associée à la licence 2005.

Je n’ai pas non plus de séquelles, mis à part une sensation de courbatures ou de lourdeur à la jambe gauche qui m’a gênée pour marcher en début de semaine. Maintenant, ça va beaucoup mieux.

Bonnes plongées à tous, et rendez-vous à la saison prochaine.

A Talence, le 30 Septembre 2005

Jean-Paul Arnoul, MF1 N° 3553

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